Je l’ai trouvé en pleure, accroupie dans le milieu de sa chambre. « Mais qu’est-ce qui s’est passé? »

« Je ne voulais pas (sanglot)! Je ne v…voulais pas! C’est un accident! »

Je sens bien la détresse de cette enfant affaissée au centre de son dégât, son linge humide du lait fraîchement renversé. Je veux bien la croire, mais mon petit doigt me dit qu’elle a surtout très peur de se faire chicaner.

« Prends une grande respiration petite Caro et explique-moi. »

« J’avais soif, je voulais me servir un verre de lait, je l’ai amené ici, je sais pas comment, tout est par terre maintenant (encore plus de sanglots) ».

« C’est bon, c’est bon. Viens que je te donne un câlin. Tu sais. C’est normal de se tromper, de faire des accidents et des erreurs. Ça arrive à tout le monde. Est-ce que tu savais qu’il arrive que je m’enfarge dans un objet au sol et que j’en perde l’équilibre? Non? Il m’est même arrivé à l’occasion de tomber! Et pourtant, ça fait des années que je marche. Des milliers d’heures même. Ça ne m’empêche pas de faire tout de travers parfois.

C’est comme toi avec ton lait. Tu es capable de le verser dans un verre, de marcher en gardant le liquide à l’intérieur et de le boire, mais parfois, tout te glisse entre les mains. Tu n’es pas une mauvaise personne parce que tu as renversé ton verre. »

« Tu m’aimes encore alors? »

Ha! C’est de ça qu’il est question derrière les larmes. Ce n’est pas la peur de se faire gronder, mais la peur de ne plus être aimé qui s’exprime. Bien sûr que je t’aime! Comment pourrais-je faire autrement? Tu es une partie de moi: celle qui me permet de rire devant l’absurde, celle qui m’indique où trouver la joie, celle qui s’émerveille devant le soleil levant, celle qui sourit aux chants des oiseaux. Tu es celle qui me permet de jouer, de créer, de vivre!

Comment pourrais-je ne pas t’aimer, mon enfant intérieur?

Viens. Viens dans mes bras. Calme-toi. Sens que tu es aimé et que tu n’as pas besoin de jouer les petites filles parfaites pour recevoir mon amour. Ton rôle c’est de t’amuser, d’expérimenter, de te salir, d’oser. Ce n’est pas de jouer à la miss irréprochable.

Justement, sur ce point, je te demande pardon. C’est vrai que je t’ai longtemps demandé de rester tranquille et sage. Je préférais te savoir calme, bien assise, parlant doucement. Bien civiliser quoi!

J’en suis désolée, je ne savais pas faire autrement.

Dans ma tête de grande, je pensais qu’on pouvait déranger en étant libre, en étant soi-même. Je n’avais pas encore appris qu’on ne peut être troublé que si l’on se laisse troubler d’abord, qu’on ne peut être en colère que si l’on se laisse être en colère. C’est une décision, un choix, bien que celui-ci se face souvent de façon inconsciente.

Je t’ai donc demandé de ne pas faire de vague, pour qu’autour de toi on ne soit pas dérangé, bousculé. Si j’avais su, j’aurais laissé ces adultes faire leur travail personnel et se responsabiliser de leurs émotions, de leurs actions. Au lieu de ça, je t’ai demandé de te taire. Je t’ai coupé les ailes. Je t’ai gardé sur terre.

Je te redonne aujourd’hui ta liberté et ton droit d’être qui tu veux, de la façon que tu le souhaite. Si tu veux te servir des verres de lait et les renverser, tu peux.

Je t’aime…

Je n’ai prononcé aucun de ces mots, mais je sais que petite Caro les a bien entendu. Je la sens se détendre, collé contre moi. « Viens, allons nettoyer tout ça ». Elle se raidit à nouveau.

« Qu’est-ce que les autres vont dire, en voyant mon linge tout mouillé? Ils vont tellement rire de moi! »

Tu sais quoi? Ce n’est pas à toi de penser à ce que les autres vont dire de toi. Ça n’a aucune importance puisque je suis là. Tu n’as pas à avoir honte de qui tu es ni de ce que tu fais. Ceux qui oseraient te pointer du doigt me verront leur tendre un miroir, celui qui saura leur refléter leur propre enfant intérieur toujours en cage. Ils réaliseraient alors que l’enfant qu’ils pensaient pointer du doigt, avec tout le poids de la honte, ce n’est pas toi, mais eux.

N’est pas peur de ce que pensent les autres. Je suis là pour t’aimer et te protéger.

Sache également qu’à chaque erreur que je ferai, qu’à chaque moment où je trébucherai et que je te sentirai réagir comme une petite fille qui vient d’échapper son verre de lait, je serai là, prête à t’aimer dans toute ta maladresse, dans toute ta beauté d’être qui apprend, dans toute ta fougue à mordre dans la vie.

Toujours.

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