« Performer, c’est maîtriser son domaine selon des standards, souvent élevés, déterminés par soi ou par autrui. C’est la recherche de contrôle des résultats, des émotions, des actions ou tous autres éléments qui seraient enviables de dominer. La performance est quelque chose qu’on pratique en répétant les gestes qui mèneront à un plus grand contrôle. Tout est calculé et analysé en vue d’offrir un résultat concret et tangible qui pourra aisément être répété, comparé et juger selon des critères d’évaluations objectifs. »
Voici ma définition de la performance.
Pour moi, c’est un acte qui se passe principalement dans la tête, qui est dans l’attente d’un résultat et qui implique une forme de jugement. Quand on performe, on réussit ou on échoue, on gagne ou on perd, ce qu’on fait est bon ou mauvais. L’objet de performance est évalué en comparant nos attentes conscientes et inconscientes, ou celles des autres, au résultat espéré.
Arrive alors un étrange paradoxe. Bien que l’évaluation de la performance soit faite sur des bases objectives, ces critères sont eux-mêmes sélectionnés sur des principes subjectifs! C’est pourquoi la performance nous mène généralement dans une spirale sans fin où nous tentons plus ou moins de correspondre à des éléments qui ne nous conviennent pas ou peu.
Sur cette route, on retrouve beaucoup de peurs, de jugements, de distorsion de la réalité, de généralisations, de liens complexes entre des éléments qui n’en ont peut-être pas, de déception, de la pression, du stress…Le chemin de la performance n’est pas des plus reposant.
Alors pourquoi nous obligeons-nous à autant de performance dans notre société?
Peut-être est-ce pour obtenir l’amour des autres et l’amour de soi? Ou bien pour la reconnaissance, pour la gratification personnelle, par amour des défis, pour se donner des occasions de se dépasser, pour correspondre aux normes sociales ou pour faire partie d’un groupe? Les raisons sont multiples et personnelles. On dirait que l’être humain est d’ailleurs maître dans l’art d’endosser la pression de la performance afin d’obtenir ce qu’il souhaite secrètement, même lorsque c’est dommageable pour lui.
Mon hypothèse est que le chemin qui mène hors de ce cycle, celui au-delà de la performance, nous permet de passer de la performance à l’art.
Bien que mon principal métier se trouve dans un domaine artistique, j’ai réalisé avec les années que toute la formation du musicien classique était faite en fonction de créer des performeurs et non des artistes.
On nous enseigne la maîtrise, la gestion, le contrôle, la planification, la discipline, la reproduction, la réflexion, la force…on nous apprend principalement à faire de la musique. Mais où se trouve l’artiste dans tout ça? Comment devenir cet être unique et sensible prêt à apporter sa vision au reste du monde? Où se trouvent la création, la nouveauté, l’inspiration?
Il en va de même pour beaucoup de sphères dans le Monde, qu’elle soit artistique ou non. L’éducation est plus factuelle que créatrice. Ce n’est donc pas surprenant de voir la performance se faufiler partout.
Bien sûr, certains arrivent naturellement à toucher cet espace de connexion à soi qui permet de naviguer au-delà de la performance, mais ce chemin n’est que rarement enseigné. D’ailleurs, est-ce possible de le faire? Peut-être pas…
Le chemin de l’artiste est un chemin qui se voyage en solo, personne ne peut le marcher à notre place. Pourtant, rien ne dit que c’est un voyage qu’on doit faire dans la solitude. On peut aussi voyager en groupe. Un groupe composé de mentors, d’amis, de famille, de collègues ou de modèles et qui nous serviront de guide et d’inspiration, devenant le moteur pour marcher courageusement sur le chemin de la non-performance.
En partageant ce qui est souvent tu, en abordant des sujets parfois tabou dans les domaines de performance et en acceptant de montrer au grand jour mes côtés plus sombres, je lance une bouteille à la mer. Un message pour dire « Non, tu n’es pas seul sur la route ».
Je vous partage un bout de mon chemin, celui que personne d’autre ne pourra marcher à part moi. Ce sera à vous de trouver votre propre cadence, votre rythme, marchant un pied après l’autre vers la destination qui vous plaira.
On se tiendra compagnie.