On peut bien se le dire, ce n’est pas tous les chefs qui savent se faire comprendre. Notre merveilleux chef à l’Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin, est un chef particulièrement clair. Il le sait, nous le savons, vous le savez surement.
(Pssssit! Je dévoile son secret plus loin dans ce billet!)
D’autres n’ont pas cette habileté aussi développée, c’est pourquoi j’aimerais vous proposer une façon de décoder les chefs grâce au mode visuel, auditif et kinesthésique.
Décoder avec ses yeux
Si vous avez reçu le même genre d’éducation musicale que moi, on vous a probablement appris que la meilleure façon de savoir ce que le chef veut, c’est par sa battue. Il suffit de regarder en avant et c’est fait, vous comprenez tout. Ça ne se passe pas toujours de cette façon, n’est-ce pas?
Bien que vous compreniez habituellement les intentions de la personne sur le podium, il peut arriver que la compréhension des signaux visuels soit plus laborieuse. Vous avez beau regarder, rien à faire, vous ne comprenez rien.
Voici trois hypothèses pour expliquer la situation: soit le chef a de la difficulté à exprimer son message de façon à ce que vous puissiez comprendre en le regardant, soit vous ne décodez pas bien ce message ou c’est un peu des deux (possiblement la meilleure hypothèse).
Idéalement, il revient au chef d’orchestre de s’assurer de bien se faire comprendre. Puisque dans la « vraie » vie ce n’est pas toujours ce qui arrive, mieux vaut avoir plus d’un tour dans son sac. Lorsque vous ne comprenez pas ce que le chef souhaite de façon visuelle, il vous faut une nouvelle stratégie.
Décoder avec ses oreilles
Si les yeux ne suffisent pas, vous pouvez comprendre ce que le chef souhaite obtenir comme résultat à l’aide de vos oreilles. Lors des répétitions, le chef ne fait pas juste diriger, il demande aussi des choses de façon verbales ou chante des exemples de ce qu’il souhaite entendre.
Si sa battue reste pour vous une énigme, c’est le moment d’ouvrir vos oreilles. Imitez ce qu’il chante et suivez les indications qui vous sont communiquées oralement. Si le chef semble satisfait, c’est qu’il communique mieux ses idées verbalement qu’avec sa baguette ou que vous le comprenez mieux de cette façon.
Faites alors ce qu’il vous dit avant de faire ce qu’il vous montre! Certaines personnes (davantage auditive peut-être) auront plus de facilité à s’exprimer avec les mots ou à comprendre par ce mode. Lorsque vous aurez saisi avec vos oreilles ce que le chef souhaite exprimer, vous pourrez faire les liens adéquats avec sa battue et recommencer à faire confiance à vos yeux.
Décoder avec le non verbal
Vous ne comprenez pas la battue du chef ni ce qu’il vous demande verbalement? Qu’à cela ne tienne! Connectez-vous directement à lui et faites confiance à son non verbal.
Saviez-vous que seulement 7% des messages que nous transmettons aux autres sont d’ordre verbal (les mots)? 38% du message est véhiculé par notre communication non verbale (le ton de la voix, le timbre, le tempo, volume, etc.) et 55% par nos comportements physiologiques (posture, respiration, mouvement, etc.).
Si vous ne comprenez pas ce que le chef vous dit avec sa baguette ou avec la parole, vous perdez la quasi-totalité de son message! Il devient alors essentiel de développer une nouvelle stratégie: la synchronisation.
Se synchroniser
Rien d’ésotérique ici, vous vous synchronisez chaque jour sans le savoir. Lorsque vous prenez un café avec un ami et que vous buvez une gorgée en même temps, vous êtes synchronisé. Vous hochez la tête en même temps que votre interlocuteur? Vous êtes synchronisé.
C’est un phénomène tout à fait naturel, mais qui reste généralement inconscient. Pour décoder un chef d’orchestre sans ses yeux ou ses oreilles (de façon kinesthésique), il suffit de se synchroniser à lui pour accéder à de l’information importante qui ne serait pas accessible autrement.
(En passant, c’est la même chose pour décoder un soliste!)
Une des meilleures façons pour se synchroniser, c’est avec la posture et la respiration. Regarder le chef et respirer avec lui. Faites-le pendant assez longtemps pour avoir l’impression que vous respirez à sa place, que c’est lui qui respire avec vous et non l’inverse. S’il est trop loin ou que sa respiration n’est pas visible, vous pouvez faire la même chose avec sa posture.
Bien sûr, vous êtes assis et il est debout. Se synchroniser ce n’est pas copier complètement quelqu’un, mais bien refléter quelques composantes. Vous pouvez donc bouger légèrement au même rythme que ses mouvements de sourcils, ses coups d’épaules, de ses mouvements de bras ou ses déplacements sur le podium.
Après un petit moment, vous allez vous rendre compte qu’il est possible de comprendre les messages de cette personne sans paroles ou même sans le regarder. C’est comme si un fil vous reliait, vous permettant de comprendre inconsciemment se qu’il veut. Faites le test! Je vous assure, vous vous synchronisez facilement chaque jour, il suffit d’en prendre conscience.
Conclusion
Il existe plusieurs façons de comprendre les messages d’autrui. Vous pouvez le faire en regardant quelqu’un, en l’écoutant ou en vous connectant à lui. Tout compte fait, plusieurs problèmes à l’orchestre viennent soit d’un manque d’outils à communiquer nos idées ou de notre difficulté à déchiffrer un message.
Développer ces différents modes vous rendra assurément plus outillé pour décoder un chef d’orchestre, mais vous offrira aussi une vision plus large de votre métier.
Finalement, un chef vraiment clair, c’est quelqu’un qui est capable de transmettre un message avec ses mots et son corps de façon parfaitement cohérente. Le message est unique, qu’il soit dit de façon visuel, auditif ou kinesthésique. Le savoir-être et le savoir-faire sont parfaitement alignés.
Le voilà le secret de notre chef!
* Merci de ne pas faire de cas du terme « chef d’orchestre » utilisé exclusivement au masculin. C’est un choix pour alléger le texte.